Archives du Mékong, une généalogie s’écrit sur la longue histoire de la terre. Installation de Mai Duong à découvrir sur la mezzanine du Théâtre Antoine Watteau, du 10 janvier au 3 février 2024. « À la mémoire de mon père ».
Marguerite Yourcenar, dans un entretien, disait d’être « frappée par la pauvreté de l’imagination généalogique de la plupart des gens ». Dans ses Archives du nord, elle voulait donner une pensée à ces milliers d’êtres qui vont se multipliant de génération en génération, « à l’immense foule anonyme dont nous sommes faits, aux molécules humaines dons nous avons été bâtis depuis qu’a paru sur la terre ce qui s’est appelé l’homme ». (Marguerite Yourcenar, Les yeux ouverts, entretiens avec Matthieu Galey, Le Centurion, 1980, p. 216)
Dans ses mots, Mai Duong nous dit d’avoir retrouvé le sens de sa première exploration généalogique « Ex-Saigon », essayée par les moyens de la photographie en 1984. Exploration conduite avec toute la démesure de la jeunesse : celle d’une jeune fille franco-vietnamienne qui, face au défi du mariage, se rend dans le pays d’origine de ses parents et cherche à retrouver sa propre place dans l’histoire. La distance, l’oubli et l’étrangeté des rencontres imposeront au montage de son « album de famille » un caractère romanesque.
La récente fréquentation de la Bibliothèque historique du CIRAD à Nogent-sur-Marne, située dans le cadre du Jardin d’agronomie tropicale René Dumont, a été le déclencheur d’un nouveau projet.
« Dans ces archives – nous dit Mai Duong – il m’a semblé descendre dans ces mondes passés où ma famille et moi-même étions, là quelque part, perdus dans l’anonymat. C’est de l’émotion suscitée par ces documents qu’est né le projet des Archives du Mékong ». Loin de toute vanité généalogique, loin de toute conception de la famille comme un milieu clos, le projet des Archives du Mékong cherche, par la photographie, à créer des images – là où Marguerite Yourcenar cherchait par l’écriture à recréer des pensées – des abysses que représentent les générations antérieures pour tous ceux qui essayent de les connaître. Déjà un siècle peut être suffisant à effacer tous les noms, à perdre toutes les images. La stabilité des lieux est elle-même inconstante, car les populations ne demeurent pas toujours à la même place et vivent des chocs où toute stabilité est interrompue par l’exil, les migrations ou l’extinction. À cette condition d’aveuglement et d’ignorance face à notre généalogie, qui poussait Yourcenar à puiser dans l’imagination et la sympathie, s’ajoute dans notre temps la perte des souvenirs, du silence et de la profondeur de notre monde de l’hyper communication numérique.
Du 10 janvier au 3 février 2024 / du mercredi au samedi de 14h à 18h / Entrée libre
Théâtre Antoine Watteau – Place du Théâtre